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Vol. 17. Núm. 2.abril 1997
Páginas 107-187
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Los enfermos: ¿quiénes son y quiénes serán?
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SOCIEDAD FRANCESA DE NEFROLOGÍA
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NEFROLOGIA. Vol. XVII. Num. 2. 1997 EL LIBRO BLANCO DE LA NEFROLOGIA FRANCESA Les malades: qui sont-ils et qui seront-ils? Tendances lourdes Societé Française de Néphrologie Abrimos en este número una nueva sección que incluirá la publicación en cuatro fases de los capítulos más relevantes del Libro Blanco de Nefrología que ha editado la Sociedad Francesa de Nefrología. Se trata de una obra colectiva llevada a cabo por más de 200 nefrólogos y que trata de hacer una recopilación de lo que ha sido y es nuestra especialidad. Nos ha parecido que podía resultar de gran interés el ofrecer a los lectores de NEFROLOGÍA la posibilidad de acceder a los contenidos de este libro que, si bien hacen referencia fundamentalmente a la situación de la nefrología francesa, bien pudieran servir de punto de referencia o consulta. La Sociedad Francesa de Nefrología dio su permiso para publicar estos capítulos en el idioma original y es por esto que se editarán en francés. Esperamos que esta sección que incluye en este número: «Los enfermos: ¿quiénes son y quiénes serán?», y que se seguirá posteriormente de «Las técnicas y modalidades de tratamiento», «Los sistemas de evaluación e información» y finalmente, «Las doce propuestas del Libro Blanco», tengan una utilidad real y resulten interesantes. COMITE DE REDACCION 1. QU'EST-CE QUE L'INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE? 1.1. Les caractéristiques de I'IRCT Anatomiquement, l'IRC se caractérise (habituellement) par une diminution de la taille des reins dont le pourtour devient irrégulier. Microscopiquement, les différents éléments du néphron (il y a entre 500.000 et un million de néphrons ou unités fonctionnelles par rein) sont envahis progressivement et donc étouffés par une fibrose atrophiante. Biologiquement, on observe essentiellement une ascension du taux sanguin de créatinine, un déchet du catabolisme azoté physiologiquement éliminé dans l'urine. Normalement inférieure à 100 µmol/l, la créatinine peut atteindre et dépasser 1.000 µmol/l. Du fait de la diminution de l'excrétion de ce déchet, 110 sa clairance (coefficient d'épuration qui mesure la «filtration glomérulaire») est passée de 100 ml/mn à moins de 100 ml/mn (schéma 2). Chiniquement, le malade qui longtemps n'a rien ressenti, est fatigué, perd de l'appétit et se plaint de nausées. Il se gratte et souffre de crampes nocturnes. Son sommeil est altéré per le besoin fréquent d'uriner la nuit. Si rien n'est fait pour le soigner, il étouffera, deviendra comateux, souffrira d'hémorragies, de péricadite et mourra «d'urémie». 1.2. Ce qui vient d'être décrit de façon très sommaire est l'aboutissement d'une longue histoire qui peut se décrire comme suit (AMONT) Quelle que soit la maladie rénale qui a déclenché le phénomène (voir 2.1.2.), le processus de fibrose s'installe et détruit progressivement les néphrons. Les «néphrons» restants assurent longtemps le travail nécessaire à l'homéostasie et à la fabrication de l'urine en «hyperfiltrant». Lorsque 80% desnéphrons sont détruits, la filtration glomérulaire globale diminue, et ultérieurement le taux de créatinine sanguine monte. Des facteurs accélérateurs de ce processus de fibrose ont été identifiés, comme l'hypertension artérielle ou une ration alimentaire trop riche en protéines d'origine animale. L'accélération subite (décompensation) peut être declenchée par des événements intercurrents (médicaments pris sans précaution, diarrhée, hémorragies). 1.3. Un grand nombre de maladies sont capables d'entraîner ce processus Certaines sont des maladies générales (dites souvent «systémiques») à retentissement rénal (lupus, angéites, athérome, diabète), d'autres sont proprement rénales. On les divise en quatre groupes selon qu'elles lèsent de façon prédominante telle ou telle LIBRO BLANCO DE LA NEFROLOGIA FRANCESA partie du néphton: néphropathies glomérulaires, vasculaires, tubulaires et interstitielles. La classification est en vérité beaucoup plus complexe. Certaines justifient à leur début un traitement spécifique susceptible d'enrayer complètement le processus. Beaucop sont reconnues et donc traitées trop tard; le traitement spécifique est alors inefficace voire même inutile, voire encore dangereux. Restent alors les traitements non spécifiques: contrôle tensionnel, régimes, contrôle de l'équilibre phosphocalcique. Dans les pays industrialisés, les néphrologues ont mis au point un protocole de surveillance qui permet aux patients de ne plus mourir d'urémie. Quand la créatinine atteint 600 à 700 µmol/l, on considère que le patient est arrivé au stade de l'insuffisan ce rénale chronique terminale (IRCT). Un traitement de suppléance est alors engagé. Idéalement, le patient a été préparé psychologiquement et physiquement par un traitement non spécifique dit «conser vateur» qui a pu durer des années. Cette période toujours difficile peut se passer sans heurt, c'est-à-dire idéalement sans hospitalisation. Malheureusement, cela n'est pas toujours le cas et certains, qui n'ont jamais été suivis pour leur IRC, arrivent en urgence pour décompensation respiratoire de l'urémie: ceux-là seront «rattrapés» au prix d'une hospitalisation longue, parfois d'un séjour en réanimation. 1.4. La phase d'aval Cette phase dite «d'aval» commence alors, qui sera caractérisée par le fait que le patient est définitivement un IRCT, qu'il soit dialysé ou transplanté; le rejet de greffe est en effet toujours possible et non prévisible. C'est d'ailleurs à l'alternances des différences modalités de traitement et plus simplement de dialyse et transplantation qu'il faut le préparer, sauf s'il a dépasse 70 ans ou souffre de graves comorbidités. Ces méthodes de traitement seront décrites plus loin. La liste en est la suivante: a) hémodialyse en centre, dite ambulatoire; b) hémodialyses alternatives à la dialyse en centre: hémodialyse à domicile; autodialyse, dialyse en centre à structure «allégé»; c) dialyse péritonéale: dialyse péritonéale intermittente; dialyse péritonéale continue cyclique; dialyse péritonéale continue ambulatoire; d) transplantation rénale: avec rein de donneur vivante (le plus souvent apparenté); avec rein de cadavre. 2. REPARTITION ET EVOLUTIONS RECENTES DES PATHOLOGIES. EPIDÉMIOLOGIE DE L'IRC 2.1. L'evolution de l'épidémiologie des néphropathies chroniques conduisant à l'insuffisance rénale terminale (I'RCT) (rap port de C. Jacobs, coordinateur national du registre dont les paragraphes suivants sont des extraits) Le profil des néphropathies chroniques conduisant à l'insuffisance rénale terminale s'est profondément modifié aur cours de ces dix dernières années. La répartition des néphropathies glomérulaires primitives et des néphropathies interstitielles a changé. L'incidence des néphropathies héréditaires est restée stable; par contre, l'incidence des néphropathies vasculaires et celle des néphropathies liées au diabète se sont accrues. 2.1.1. L'épidémiologie des glomérulonéphrites chroniques primitives conduisant à l'insuffisance rénale terminale a changé quantitativement et qualitativement L'incidence de l'IRCT secondarire à une glomérulonéphrite primitive a diminué d'au moins 30% depuis 15 ans, en grande partie du fait de la quasi-disparition des glomérulonéphrites membrano-prolifératives. La prévalence théorique de survenue d'une IRCT secondaire à une glomérulonéphrite primitive serait voisine de 22%. Cette prévalence est une fonction de l'âge et du sexe avec une prédominance masculine. Le risque d'IRCT dans ce cadre est environ dix fois plus élevé chez l'homme de 20 à 60 ans que chez la femme. Ce risque décroît après 60 ans. 2.1.2. L'incidende des néphropathies interstitielles conduisant à l'IRCT a également diminué Les néphropathies interstitielles représentent actuellement 9% des néphropathies chroniques conduisant à l'insuffisance rénale terminale. 2.1.3. L'incidence des néphropathies héréditaires conduisant à l'IRCT est restée stable depuis 10 ans Le pourcentage d'IRCT liée aux néphropathies héréditaires et en particulier de la plus fréquente d'entre elles, la maladie polykystique rénale de l'adulte, demeure stable, un peu inférieure à 10%. 111 SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE NÉPHROLOGIE 2.1.4. L'incidence des néphropathies vasculaires et diabétiques à l'origine d'une IRCT a par contre cru notablement Les néphropathies dont les taux augementent sont en effet les néphropathies vasculaires, représentant actuellement 20,5% des causes d'insuffisance rénale chronique, et la néphropathie diabétique qui représentait 7% des causes d'insuffisance rénale chronique en 1982 et qui en représente actuellement 13%. La raison principale est liée à l'allongement de l'espérance de vie, en particulier pour les diabétiques, qui permet à ces néphropathies d'apparaître puis d'évoluer jusqu'au stade de l'urémie terminale. 2.1.5. L'insuffisance rénale chronique terminale (IRCT). Effectifs Le nombre exact de patients atteints d'IRCT es difficile à connaître en France, faute de l'existence d'un registre exhaustif et fiable, notamment pour les porteurs de greffon fonctionnel. Cependant, des sources existent, dont les principales sont les registre de l'EDTA (European Dialysis and Transplant Association), le registre française des insuffisants rénaux géré en France par C. Jacobs, et celui de la FEHAP (Echo-Nantes, M. Leroy) en ce qui concerne les patients pris en charge en modalité hors centre. Au 31 décembre 1993, d'après l'EDTA, 30.700 pati ents vivaient en France Métropolitaine grâce à un des traitements substitutifs de l'insuffisance rén ale terminale, soit une prévalence de 541 pa tien ts par million d'habitants. Quarante-neuf pour-cent des patients étaient traités en centre con venti onn el ou en autodialyse, 4,3% en hémo dialy se à domicile, 5,4% en dialyse péritonéale et 41% étaient porteurs d'un greffon fonctionnel. Le nombre de nouveaux malades pour 1993 était de 4.515, soit 80 patients par million d'ha bitants. Dans le registre de l'EDTA, l'autodialyse n'est pas spécifiquement isolée. Il faut se référer aux données FEHAP pour connaître avec davantage de précision la répartition des différentes modalités dites «hors centre». Le nombre de patients pris en charge en centre serait alors de l'ordre de 14.000 (compte tenu de la non exhaustivité des données de l'EDTA). Au total plus de 30.000 patients sont concernés, dont 1/3 de transplantés porteurs d'un greffon fonctionnel. 112 2.1.6. La population en insuffisance rénale terminale vieillit L'âge des patients nouvellement pris en charge pour IRCT a nettement augmenté au cours de ces dernières années. En 1982, seulement 5% des patients traités pour IRCT étaient âgés de 75 ans ou plus. Ils sont aujourd'hui 15%. On assiste donc à un net vieillissement de la population urémique. Au cours de la même période, le pourcentage des patients jeunes (entre 15 et 33 ans) en insuffisance rénale terminale a diminué de 20 à 11%. 2.1.7. La nature de la néphropathie causale apparaît liée à l'âge Les glomérulonéphrites et les néphropathies interstitielles chroniques sont plus prévalentes chez les plus jeunes alors que les néhropathies vasculaires et plus encore les atteintes rénales du diabète non insulinodépendant affectent aujourd'hui les patients plus âgés. 2.1.8. Les structures d'accueil Elles sont représentées par 240 centres conventionnels d'hémodialyse. La distribution de ces centres est la suivante: 27% appartiennent à une structure hospitalo-universitarie, 39% à un hôpital public, 26% au secteur privé à but lucratif et 8% aux associations à but non lucratif. On compte en outre 150 unités d'autodialyse, et 38 centres de transplantation rénale dont 4 exclusivement pédiatriques. 2.1.9. Les modalités des traitements substitutifs ont changé Le nombre de patients traités en centre est resté stable, pour des raisons à la fois de politique économique (non augmentation de la structure conventionnelle représentée par le centre de dialyse hospitalier ou privé) et psychologiques. Le nombre de patients traités à domicile a diminué régulièrement au cours de ces 10 dernières années. Pour la registre de la FEHAP, 70% des patients traités hors centre étaient dialysés à domicile en 1982 contre 19% fin 1993. Parallèlement, on a vu les «centres» d'autodialyse se multiplier. Ces centres ont une structure plus légère que les centres traditionnels tout en rendant le traitement moins contraignant que lorsqu'il est pratiqué à domicile. C'est une alternative séduisante pour une population dont le vieillissement ne LIBRO BLANCO DE LA NEFROLOGIA FRANCESA permet pas toujours d'envisager le traitement à la maison: conjoint décédé ou trop âgé ou lui-même souffrant. C'est ainsi que 54% des patients «hors centre» sont traités dans un «centre» d'autodialyse d'après le registre FEHAP (H. Leroy). Le pourcentage de patients en IRCT traités par dialyse péritonéale se situe aux alentours de 9-10% du total des malades dialysés (et 27% de ceux traités par modalité hors centre), et essentiellement par dialyse péritonéale chronique ambulatoire (DPCA). On étudiera les facteurs d'orientation des patients dans telle ou telle technique au chapitre 2.6. 2.1.10. Le nombre de transplantations diminue depuis 1992 Après une augmentation régulièrement croissante du nombre annuel de transplantations rénales entre 1980 (666) et 1989 (1.957), l'évolution s'est stabilisée en 1990 (1.949) et 1991 (1.972), pour diminuer en 1992 (1.749), en 1993 (1.781) et en 1994 (1.627). Actuellement, 33% des patients urémiques vivent grâce à un transplant fonctionnel. Le problème de la diminution du nombre des transplantations rénales est avant tout celui de la diminution du don d'organes, notamment de reins (-20% en 2 ans). La cause principale en est la perte de confiance de la population vis-à-vis du corps médical, expliquée en grande partie par les scandales récents qu'ont été celui du sang contaminé et celui du commerce d'organes. Il s'agit véritablement d'un problème de psychologie collective. D'autre part, les prélèvement multi-organes constituent un élément dissuasif: les familles qui accepteraient assez volontiers le prélèvement des reins seuls s'effraient rapidement si aux reins sont associés le coeur, le foie, les yeux... Enfin, le nombre de patients potentiellement doneurs d'organes, c'est-à-dire en état de mort cérébrale sans lésion organique surajoutée, tend à diminuer, la principale cause de coma dépassé dans ce cas restant la rupture d'anévrisme cérébral. Face à la pénurie de reins transplantables, la controverse vis-à-vis d'une attitude plus incitative en faveur du don d'organes provenant de donneurs vivants apparentés est redevenue d'actualité, contrairement à ce qui avait été la règle au cours de ces dernières années. C'est pratiquement la seule possibilité de transplantation actuelle que l'on puisse proposer à un patient d'origine étrangère. Toutefois, les patients qui débutent un traitement substitutif étant de plus en plus âges et présentant de plus en plus fréquemment du nombreuses pathologies associées, le nombre des candidats à la transplanta- tion pourrait diminuer: de nombreux patients sont ainsi déjà considérés comme non transplantables, à tort sans doute, dès le début de leur prise en charge en épuration extra-rénale. L'âge calendaire n'est plus en fait un véritable obstacle. 2.1.11. Les traitements substitutifs offrent-ils une probabilité de survie analogue? Les probabilités de survie à 5 et 10 ans pour la transplantation rénale, l'hémodialyse en centre et l'hémodialyse à domicile sont pratiquement les mêmes, en particulier pour la tranche des sujets jeunes, c'est-à-dire entre 15 et 34 ans: respectivement 96, 96 et 93% à 5 ans, et 85, 86 et 90% á 10 ans. Pour la tranche des patients plus âgés (55 à 64 ans), l'hémodialyse à domicile est le mode de traitement pour lequel la survie est la meilleure: 78% à 5 ans, 56% à 10 ans contre respectivement 59% et 32% en centre. La sélection rigoureuse des patients très autonomes explique en partie ces résultats. En ce qui concerne la dialyse péritonéale, il faut plutôt parler de survie du patient dans le technique, puisque l'expérience de patients ayant une durée de prise en charge dans cette modalité excédant cinq ans est très limitée. Le retour à l'hémodialyse, lorsque les capacités d'échange de la membrane péritonéale sont altérées, est la règle au bout de quelques années. La dialyse péritonéale s'intègre en fait dans une séquence thérapeutique: DPCA --greffe ou DPCA-- hémodialyse, et à ce titre, il est difficile d'évaluer son impact sur la survie des patients. 2.2.12. L'étiologie de l'IRCT influe sur la probabilité de survie: l'exemple du diabète En cas de néphropathie diabétique, la survie en IRCT chute, tout âges, tous types de diabète et tous modes de traitement confondus: taux de 38% à 5 ans et de 17% à 10 ans. Pour ce type de patients, il semble que le traitement donnant la plus grande chance de survie soit la transplantation de rein avec 75% de survie à 5 ans et 69% à 10 ans, mais il est vrai qu'il s'agit alors essentiellement de patients diabétiques de type 1 et plus jeunes. De fait, d'une manière générale, ces résultats de survie doivent être interprétés avec prudence, quand on ne dispose pas d'informations précises sur les comorbidites notamment. 113 SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE NÉPHROLOGIE Fig. 1.--Survie actuarielle pour tous les patients bénéficiant d'une méthode de suppléance fonctionnelle rénale entre 1986 et 1991. La survie actuarielle est inversement proportionnelle à l'âge de début du traitement. A 5 ans, les patients âges de plus de 65 ans en début de traitement, ont un taux de survie 15% inférieur à celui des patients âgés entre 55 et 64 ans au moment où ils ont débuté leur suppléance. Prenons un exemple: soit une famille où la maladie polykystique dominante autosomique dite de l'adulte a déjà frappé plusieurs générations. Dans une fratrie de 4 frères, 2 sont porteurs d'une mutation génique localisée sur le chromosome 16. Ces deux frères vont «révéler» leur maladie par la découverte échographique de kystes à 20 ans, une hypertension artérielle à 30, une insuffisance rénale à 40 qui aboutira au stade terminal à 50 ans. Mais si l'un de ces deux frères fume abondamment, ne consulte jamais et donc développe une hypertension artérielle non contrôlée, il aure besoin de dialyse beaucoup plus tôt que l'autre (quelques années parfois). Trois facteurs de risque acquis se sont ajoutés ici au facteur héréditaire: tabagisme, absence de suivi médical, non contrôle de l'hypertension. Il en est d'autres: ­ ainsi, la prévalence de l'IRCT chez les Noirs américains est très nettement supérieure pour plusieurs maladies rénales à celle de leurs concitoyens blancs; ­ les personnes âgées, cumulent les risques du fait de l'accumulation des pathologies et surtout des médications qu'elles nécessitent. On peut encore identifier d'autres facteurs de risque de mortalité ou de morbidité en IRCT, en dialyse ou en transplantation. Il y a là matière à recherche, une recherche qui passe par «le suivi de populations, de groupes de sujets soumis à un même facteur de risque environnemental ou d'individus que leurs caractéristiques désignent comme susceptibles de transmettre la maladie à leur descendance» (rapport de M. Levy). Il y a matière aussi à établisement d'indices de risques. Les professionnels travaillent de plus en plus à définir au sein d'un groupe de patients atteints d'une même pathologie (le diabète, l'hypertension artérielle, la polyarthrite rhumatoïde) quels sont les patients «à risque» de développer une néphropathie et une insuffisance rénale; ceci est également un chantier de recherche très vaste qu'il faut définir et soutenir. 3. EVOLUTIONS PRÉVISIBLES DES MALADIES RÉNALES ET DE L'IRCT La prévision est un art difficile. Il est pourtant raisonnable d'extrapoler en tenant compte des données disponibles. Dans l'ensemble, tout laisse penser qu'une augmentation régulière est à prévoir. Quatrevingt-sept pour-cent des néphrologues interrogés disent avoir eu dans les 5 ans passés une augmentation des demandes d'accès à un traitement de suppléance de l'IRCT. Soixante-seize pour-cent pensent 2.2. Avant le stade de l'IRCT Il n'existe que très peu d'information sur l'épidémiologie des maladies rénales. Ces données portent habituellement sur une pathologie (l'hypertension artérielle, la lithiase) ou un signe (micro-albuminurie, hématurie microscopique) dans une population donnée (travailleurs salariés d'un métier donné) dans une région déterminée. On sait ainsi peu de choses sur le véritable pronostic en amont et en aval de chaque type de pathologie que l'on agglomère trop vite avec les autres. Des séries de la littérature permettent cependant d'approcher le pronostic de l'IRC pour un malade donné en fonction de sa maladie rénale spécifique et de tous les autres facteurs associés. 2.3. Les facteurs de risque Nous ne sommes pas égaux face à l'insuffisance rénale. Certains sont plus «à risque» que d'autres de révéler ou d'acquérir une néphropathie, et, une fois cette néphropathie installée, d'évoluer vers l'insuffisance rénale terminale. Les facteurs génétiques et les facterus liés à l'environnement constituent les deux types de «risques» dont la définition et l'identification conditionnent la «prévention» de l'insuffisance rénale (cf. 2.5) et, partant, la limitation, voire la diminution de l'incidence de l'IRCT. 114 LIBRO BLANCO DE LA NEFROLOGIA FRANCESA qu'une augmentation est à attendre dans leur région (en Midi-Pyrénées et en Limousin, toutefois, l'incidence serait apparemment stable). Les registres des pays voisins font aussi état d'une augmentation (sauf le rapport de J. P. Wauters, Suisse, qui montre une stabilisation depuis 1992). 3.1. Certaines pathologies sont stables Le nombre des IRCT par polykystose est toujours le même, de l'ordre de 7 à 10% du total, dans totus les pays du monde. Alors que le diagnostic prénatal est possible, il n'y a pratiquement pas de demande d'interruption de grossesse dans cette affection qui évolue tardivement vers l'IRCT. Mais de toute façon, le conseil génétique (qui vise à diminuer la fécondité des couples á haut risque) a un effet minime sur la fréquence des maladies héréditaires. 3.2. Les maladies dont l'incidence et la prévalence ont diminué Il est des maladies dont l'incidence et la prévalence ont considérablement diminué, parce que la cause a été identifiée et que l'on a pris les mesures logiques qu'imposait cette identification. Ainsi, les néphropathies interstitielles dues à la phénacétine ont pratiquement disparu en France depuis que cet analgésique a été retiré de grand nomb re de préparations et inscrit au tableau I. Cette lutte efficace contre une automédication délétère est un exemple réussi d'une action de Santé Publique. 3.3. Il est d'autres maladies dont la prévalence va vraisemblablement augmenter Il en est ainsi de l'athrérome et de ses conséquences rénales d'une part, du diabéte de type 2 d'autre part. Dans un éditorial récent, le néphrologue londonien. A. Raine nous annonçait un «déluge» d'IRCT dues au diabète du même type que celui qui s'est «abattu» sur les USA, où en 10 ans, le pourcentage de diabétiques dans les centres de dialyse est passé de 10 à 35% des malades. Ceci est confirmé dans son rapport par M. Marre. En Amérique du Nord, ces deux causes d'IRCT continuent à croîte et les prévisions sont pessimistes (figure 2). Le fait que nous soyons plutôt protégés par le «french paradox» ne signifie pas que la fréquence relativement basse para rapport aux autres pays européens des néphropathies athéromateuses et des néphropathies diabétiques va le rester longtemps. De enquêtes épidémiologiques du type de' Tableau I. Prise en charge de l'insuffisance rénale chronique en Europe (Registre EDTA 1993). Pays HD centre HD domicile DP IPD CAPD CCPD 2.417 169 206 429 1.356 1 1.665 531 75 2.209 10 52 1.065 60 4.265 627 330 Total Par million Greffes Par milion Nouveaux Par milion Dialyse d'hab. fonctionnelles d'hab. cas en 1993 d'hab. Allemagne .......................... Autriche .............................. Belgique ............................ Danemark .......................... Espagne .............................. Finlande .............................. France ................................ Grécce ................................ Irlande ................................ Italie .................................. Luxembourg ........................ Norvège .............................. Pays-Bas ............................ Portugal .............................. Royaume-Uni .................... Suède .................................. Suisse .................................. 19.677 1.800 3.013 717 12.752 513 15.110 3.706 188 16.615 127 222 2.514 2.383 4.236 1.553 1.514 447 10 53 16 160 1 1.318 0 0 603 1 1 91 1 767 53 61 22.141 1.979 3.272 1.152 14.268 826 18.093 4.237 263 19.427 138 275 3.670 2.444 9.268 2.233 1.905 282,7 256 328,2 224 365,14 165,2 319 390,5 75,14 419,4 365 64,6 244,2 235 161,13 260 282,64 6.602 1.423 2.310 1.084 9.074 1.084 12.583 1.254 909 7.450 81 1.730 3.581 1.120 14.970 2.701 1.856 84,3 184 231,7 211 232,22 216,8 222 115,6 259,7 160,83 214,3 406,4 238,26 107,7 260,26 314 275,4 6.600 725 1.024 492 2.579 408 4.515 1.192 120 5.220 31 209 1.249 780 3.428 997 505 84,3 93,8 102,7 95,7 66,0 81,6 79,6 118,2 34,3 90,4 82,0 49,1 83,1 75,0 59,6 116,1 74,9 Ce tableau n'est pas le reflet exact de la réalité, car le retour des fiches patients au Registre n'est pas exhaustif; ceci dans des proportions variables d'un pays à l'autre (50% à 80% de retour). 115 SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE NÉPHROLOGIE Uremibiad sont indispensables et doivent être répétées à intervalle régulier. Comme le souligne M. Rainfray, l'âge n'est pas un facteur de risque en luimême, mais l'allongement de la durée de vie, allié aux progrès de la médecine, a des conséquences sur l'incidence des IRCT. Par exemple, la mortalité due aux maladies cardiaques athéromateuses a diminué régulièrement au cours des 30 et particulièrement des 15 dernières années. L'analyse rétrospective de nombreux dossiers laisse penser que des patients qui ont survécu grâce à un pontage coronarien n'ont pas pour autant guéri de leur athéromatose extracardiaque, et spécialement rénale. Ils peuvent en quelques années développer une insuffisance rénale chronique conséquence de cette pathologie. On peut craindre que le nombre des IRCT par re tour à la dialyse de rejets chroniques de greffes ne diminue pas. Il n'est pas facile d'apprécier cette fréquence car les registres ne sont pas adaptés (beaucoup de patients y sont toujours répertoriés sous leur diagnostic initial). On peut en revanche espérer une stabilisation, voire une diminution des séquelles d'insuffisance ré nale aiguë (IRA). Là aussi, le registre devrait tenter de les identifier mieux car il arrive que les patients soient «perdus de vue» para ceus qui les ont soignés pour leur IRA. Il conviendrait d'organiser ce suivi. Ces séquelles d'IRA sont particulièrement redoutables chez les sujets âgés. Une pharmacovigilance active devrait permettre d'apprécier avec aquelle fréquence les sujets cardiaques âgés de plus en plus nombreux qui reçoivent un inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) modifient leur fonction rénale. Amenés aussi à prendre des diurétiques (ou être soumis à des régimes sans sel) et des antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS), ils risquent de constituer des IRA et d'en garder des séquelles. Une IRCT attribuée de façon très claire à un IEC a été observée entre 1 et 5 fois par 64 néphrologues interrogés, et 12 néphrologues disent en avoir vu plus de 5 cas dans l'année (104 n'én ont vu aucum). Les AINS représentent une cause d'IRCT dans un nombre de cas importants, puisque 120 néphrologues en ont vu entre 1 et 5 en un an et 16 plus de 5. On devrait voir se renforcer progressivement dans les cinq ans à venir deux catégories de patients IRCT. i) Les uns ont une IRCT «cachée» sous une ou plusieurs comorbidités. Leur médecin considère en effet que l'autre maladie prédomine et que l'insuffisance rénale passe au second plan même si elle complique la gestion et aggrave le pronostic de la maladie «principale»; au pire, il pense que le patient va mourir avant que l'IRC ne soit arrivée au stade terminal. 116 ii) Les autres sont âgés ou très âgés et leur médecin ou leur entourage estiment de bonne foi que l'âge de la mise en dialyse est passé pour eux. Or, les néphrologues restent convaincus que ce n'est pas l'âge qui est une contreindication mais l'état pathologique. Leurs débats sur les «arrêts de dialyse» our sur les indications délicates chez les sujets très âgés, leur recherche d'indicateurs de pronostic, les amènent à souhaiter parler de chaque malade avec son entourage familial et médical. Hors d'Europe, les néphropathies parasitaires pourraient voir leurs fréquences (au rest fort mal connues) diminuer si des programes (ou vaccins) anti-bilharziose ou anti-paludisme s'avéraient efficaces. 3.4. Bilan Même si l'on parvenait à limiter l'incidence et par conséquence la prévalence, il n'est pas réaliste d'imaginer une diminution ni même une stabilisation du nombre des IRC. C'est l'inverse qu'il faut prévoir. La Figure 2 américaine suivante donne une idée des deux scénarios possibles aux USA (d'après USRDS 1994), l'un se plaçant dans une hypothèse défavorable où est poursuivie la tendance exponentielle récente et l'autre optant pour une hypothèse moins pessimiste de retour à une stabilité relative de la pathologie. Avec des courbes moins obliques, ce sont les mêmes tendances qu'il faut prévoir en Europe et en France (sachant que la progression annuelle actuelle aux USA est supérieure de 10,5% à la progression française). Fig. 2.--Prévisions de l'évolution de I'IRCT aux USA selon deux modèles. LIBRO BLANCO DE LA NEFROLOGIA FRANCESA 4. L'INSUFFISANCE RÉNALE DANS LES DOM-TOM Près de deux millions de nos concitoyens vivent dans les Dèpartements ou Territoires d'Outre-mer. Même si chaque département ou territoire a ses spécificités (des Registres existent pour chacun d'entre eux), nous tentons ici de synthétiser ces données et de dresser un panorama général des problèmes rencontrés. On peut dire ainsi que la néphrologie dans les DOM-TOM se caractérise par une prévalence del l'IRCT très supérieure à celle de la Métropole, par des particularités pathologiques, par de très grandes difficultés à développer les alternatives à la dialyse en centre (Reunión exceptée), y compris la transplantation, par une prévention qui est à la fois faible et pourtant mûre pour être effectuée d'une façon moderne, par la faiblesse relative des effectifs de néphrologues dans certains territoires. 4.1. De fortes prévalence et incidence de l'IRCT Le tableau II reprend les données provenant de sources différentes afin de dresser un panorama général et de montrer les grandes tendances: La prévalence a cru régulièrement comme le montre par exemple la figure 3 établie par J. Guiserix en 1994 à La Réunion. L'âge moyen des patients est légèrement inférieur à celui observé en Métropole. 4.2. Des pathologies originales, des facteurs de risque multiples Les pathologies sont, comme le souligne A. Fournier à Tahiti, à la fois celles des pays en voice de développement et celles des pays industrialisés. Fig. 3.--Evolution du nombre de dialyses sur l'île de la Réunion. On trouve souvent, en partie du fait de l'éloignement, un mode de vie traditionnel pauvre, une hygiène défectueuse et un appel fréquent au «tradi-practien» qui retarde le recours aux structures sanitaires, et en même temps, la sédentarité, l'alcoolisme, le tabagisme et pour beaucoup, la suralimentation. On observe une très grande prévalence des néphropathies associées à l'hypertension artérielle et au diabète de type 2. La prévalence du diabète est 5 fois supérieure à celle de la Métropole. La comparaison avec la littérature permet de supposer fortement que la conjonction de la suralimentation et de l'alcoolisme d'une part, d'etnies d'origines asiates ou africaines d'autre part, explique cette pathologie. Mais on observe aussi des pathologies dues à l'environnement (leptospiroses à aux herbicides) ou à des pathologies héréditaires qui font déjà ou pourraient faire l'objet de recherches spécifiques: IRCT liées à la goutte articulaire ou au syndrome d'Alport. La lithiase urinaire est aussi particulièrement prévalente. Tableau II. L'IRC dans les DOM-TOM. Métropole Population ............................................ 58 millions Prévalence: nombre.................................................. 30.000 taux/M hab............................................ 530 Incidence /M hab.................................................. 74 Greffons fonc........................................ 9-10.000 Année.................................................... 1992 Guadeloupe 387.034 345 891 199 114 1993 Martinique 359.579 282 784 157 170 1995 Guyane 114.808 57 496 133 61 1993 172 25 1995 126 3 1995 NIIe-Calédonie 200.000 Polynésie 210.000 Réunion 600.000 693 1.155 133 93 1995 117 SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE NÉPHROLOGIE 4.3. Les alternatives à la dialyse en centre sont difficiles à mettre en oeuvre, et pourtant les résultats sont bons Cela est particulièrement vrais sur les territoires très morcelés ou très ètendus comme Tahiti ou La Guyane. Mais il faut souligner que 24,2% des dialysés de La Réunion le sont hors d'un centre, que 70 malades sont dialysés à domicile à La Guadeloupe et 108 sont en DPCA à la Martinique. A ces remarquables résultats, il faut ajouter de très importants efforts en faveur de la greffe. On compte un nombre de sujets porteurs de greffons fonctionnels qui varie d'un territoire à l'autre: 169 à La Martinique, 114 à La Guadeloupe, 93 à La Réunion, 25 en Nouvelle-Calédonie. Ces transplantations sont faites dans des conditions difficiles (sur place à La Réunion, en Métropole ou en Australie pour les autres DOM-TOM). On observera que si, malgré ces difficultés, l'ensemble des alternatives est bien développé, chaque équipe souligne que les problèmes locaux de moyens et d'organistation sont nombreaux. 4.4. La réinsertion sociale et le coût des transports semblent être une caricature de ce que l'on observe en Métropole avec un recours très systématique à l'allocation adulte handicapé 4.5. La prévention trouve dans ces territoires un terrain remarquable d'application En effet, la prévalence de l'IRCT a frappé les esprits depuis longtemps et les responsables sanitaires des services décentralisés de l'état ont, semble-t-il, pleine conscience de cet état de fait; les structures de la prévention sont en place, y compris en termes de recherche (CORI). Une récente enquête de l'INSERM (CALDIA) a montré qu'en Nouvelle-Calédonie, 6% de la population était atteinte de diabète de type 2. Une enquête similaire paraît indispensable à La Réunion et à Tahiti. Ces enquêtes sont l'occasion en effet de mettre en place des moyens humains et matériels de dépistage et de conseils diététiques en relation étroite avec les médecins généralistes. Dans le domaine de l'hypertension et des néphtopathies vasculaires, un très gros effort est de même à réaliser. 4.6. Les effectifs de néphrologues Ils sont apparemment sensiblement égaux à ce qu'ils sont en Métropole á l'exception toutefois de 118 Polynésie où il n'y a que 3 postes (dont 2 pourvus) pour plus de 200.000 habitants, très disséminés il est vrai. Mais il faut certainement considérer avec attention la situation de chaque département ou territoire, en tenant compte des donées épidémiologiques. On notera cet exemple de Saint-Denis de la Réunion, où l'on cherche depuis 3 ans au moins un néphrologue compétent en trasplantation pour seconder un chef de service submergé de tâches. L'absence de recrutement met la transplantation en péril alors que les équipes chirurgicales sont très efficaces (30 greffes ont été effectuées entre juin 1994 et juin 1995). 4.7. Le poids des DOM-TOM en termes d'efficience économique Avec un effectif sans doute proche de 2.000 IRCT, les DOM-TOM pèsent lourd dans le budget de l'IRC. Malgré les efforts remarquables et les résultats résumés ici, on constate qu'il reste beaucoup à faire pour prendre en charge l'IRCT dans les DOM-TOM de façon «plus efficiente». Un colloque de la Société de Néphrologie sur ce thème, organisé par exemple à l'occasion d'un Congrès National, permettrait de rassembler en Métropole médecins et administratifs qui dans les DOM-TOM ont cette charge commune. 5. PEUT-ON AGIR POUR LIMITER L'INCIDENCE DE L'IRCT? PRÉVENIR L'INSUFFISANCE RÉNALE: UN OBJECTIF DE SANTÉ PUBLIQUE ET UNE CONTRIBUTION À L'EFFICIENCE 5.1. Les principes 5.1.1. Une prévention bien menée peut conduire à la diminution (voire même à la disparition) de maladies rénales Elle peut certainement «contenir» l'incidence, puis la prévalence en IRCT de certaines maladies rénales. Pour d'autres, il est sans doute plus difficile de l'imaginer à une échéance proche. Les néphrologues ont déjà montré leur aptitude à identifier une cause d'IRCT et à l'éradiquer. Nous en citons ici quelques exemples. Dans tous les cas, cela a reposé sur un travail quotidien dans les consultations mais avant cela, sur une définition du problème avec d'autres spécialistes. C'est ainsi une véritable conduite de Santé Publique qui a été tenue. LIBRO BLANCO DE LA NEFROLOGIA FRANCESA · L'insuffisance rénale aiguë observée chez les femmes enceintes (post partum et post abortum) représentait dans les années 50 et 60 presque un quart des malades justifiant l'hémodialyse. La disparition des avortements septiques, l'amélioration du suivi des grossesses et des soins qui entourent l'accouchement ont ramené ces cas à moins de 1% (dans les pays industrialisés). · L'insuffisance rénale chronique due aux analgésiques (phénacétine) a presque complètement disparu dans les pays où au début des années quatre-vingt on a supprimé l'accès libre à ces médications (Suède, Australie, France), alors qu'elle représente encore 8 à 10% des IRCT là où de telles mesures n'ont pas été prises. · L'insuffisance rénale due à la prise d'herbes chinoises décrite à Bruxelles chez des jeunes femmes qui désiraient maigrir a été l'objet d'une action immédiate de retrait. La diminution de son incidence puis la suppression des nouveaux cas en ont été la conséquence. En France, la Direction Générale de la Santé, alertée par l'annonce de deux cas similaires à Toulouse, a immédiatement pris les mesures permettant de ne pas diffuser ces plantes à base d'Aristolochia. · L'imputabilité de certains toxiques industriels pour conduire aux efficaces actions de prévention. · Les néphropédiatres ont déjà vu baisser l'incidence de graves affections néonatales que l'on peut diagnostiquer in utero et qui ont conduit à un avortement médical (Rapport Ch. Loirat). · Un très grand essais multicentrique mené aux Etats-Unis avec une méthodologie difficilement discutable a montré qu'un médicament était capable de diminuer de moitié l'incidence de l'IRCT chez les diabétiques insulino-dépendants porteurs de néphropathie. Il s'agir de l'inhibiteur d'angiotensinase captopril, qui agit en inhibant les effets vasopresseurs de l'angiotensine II. On parle des effets né phroprotecteurs des médicaments de cette série et des interventions thérapeutiques susceptibles (et parfois confirmées comme capables) de limiter la progression de l'insuffisance rénale chronique expérimentale ou humaine. Toux les travaux convergent sur un point: plus tôt entreprise l'intervention thérapeutique, plus efficace et durable est la néphroprotection. Et surtout, la prévention de l'IRC dépasse très largement la Néphrologie. Dans les exemples cités ici, les obstétriciens, les médecins géneralistes, les pharmaciens d'officine, les diabétologues, ont un rôle essentiel (sans parler de tous ceux qui ont «accompagné» ces mouvements favorables, y compris les pouvoirs publics). Mais les néphrologues ont eu chaque fois un rôle tout aussi essentiel: ils ont identifié, étudié et combattu les maldies, jugé de leur impact en santé publique et ont contribué par leur expertise à la méthodologie qui a pu conduire aux résultats observés. On voit apparaître là la double notion d'interdisci plinarité et de rôle transversal du néphrologue que les experts mettent en avant. 5.1.2. Si cette prévention a un coût, elle apporte un important bénéfice On commence à peine à évaluer ces éléments et à les comparer à ceux générés par la dialyse et la transplantation. A titre d'exemple, l'étude citée cidessus (captopril chez les diabétiques néphropathes) a fait l'objet de deux études économiques. La première fut menée aux USA. Elle se fonde sur les résultats obtenus chez les 409 patients suivis dans cet essai et l'hypothèse de 7.500 diabétiques insulinodependants (DID) arrivant chaque année en IRCT, sachant qu'il est estimé, en seconde hypothèse, que 85% seulement des DID porteurs de néphropathie pourraient recevoir du captopril (ce médicament a aussi des effets secondaires). La différence entre les économies générées par l'absence de traitement dialytique ou de transplantation d'une part et les dépenses induites par la prescription de Captopril et sa surveillance d'autre part serait de 100 millions de dolars au bout de cinq ans (NDLR: un patient diabétique en dialyse coûte environ 50.000 dollars, Rodby, étude A. D. Little --en préparation, communication personnelle). Une étude du même type avec des critères français est en cours. Elle devrait être disponible dans un bref délai. L'enjeu est donc bien de concevoir une politique de prévention en Néphrologie, mettant l'accent sur l'importance du diagnostic précoce et le rôle transversal (transdisciplinaire) du néphrologue pour que soit limité au maximum le rythme de progression des maladies que l'on ne peut empêcher d'apparaître. 5.2. Définitions On peut distinguer trois moments dans l'histoire d'une maladie donée, et ainsi décrire trois types de prévention. 5.2.1. La prévention primaire Chez des personnes qui n'ont encore aucun symptôme clinique ni aucun signe biologique de la maladie, il s'agit de définir celles qui sont à risque 119
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